L’UTPMA, ma première
confrontation à l’ultra…
L’histoire
commence lors du dernier UTMB où Gilles rencontre Sébastien, de l’équipe de
l’UTPMA. Ce dernier, en vrai passionné, lui raconte « son trail », il
est question de dénivelé positif, de
paysages superbes, de grande aventure humaine, de dépassement de soi… Et
bien sûr, la magie opère et la contamination va suivre ! C’est décidé,
Gilles et moi nous lançons le défi ambitieux mais tellement beau de participer
à l’UTPMA le 21 juin 2014. Commence alors une folle saison de préparation pour
pouvoir venir se « frotter » à une telle distance. N’ayant débuté la
course qu’un an auparavant, le travail ne manquait pas pour moi mais tout le
monde y a cru. Les copains du club étaient là pour pousser derrière, accompagner
lors des entraînements et remotiver pour chasser les doutes. Les coachettes ont
suivi les courses, proposé et adapté les plans d’entraînement. Cette course a
finalement était préparée par toute une bande de coéquipiers qui m’ont
généreusement offert leur soutien, leurs conseils, m’ont accompagnée,
réconfortée et m’ont poussée à me dépasser alors rien que pour ça l’UTPMA a été
une belle aventure avant même de débuter, parce que c’est ça aussi le
trail : un échange, un partage…
Le
jour J-1 est enfin là. Je suis ravie, la météo est superbe : enfin une course où je ne vais pas avoir à patauger
dans cette boue qui ne nous a pas quittés de l’hiver ! Le ciel est bleu,
le mercure est au plus haut… et d’un coup, je réalise que ça n’est peut-être
pas une si bonne nouvelle… On part retirer nos dossards, et repérer un peu les
lieux pour le départ.
Nous assistons
ensuite au briefing, grande découverte pour moi qui suis plutôt habituée à un
briefing 5mn avant le départ, détaillant la couleur des panneaux à suivre et les
quelques consignes à respecter… Ici, on est assis et on écoute sagement la
présentation et les directives. L’organisation connaît son sujet et je suis
rassurée de me sentir « entre de bonnes mains ». Beaucoup se
connaissent, l’ultra est une grande famille semble-t-il ; je me sens un
peu perdue, l’éléphant au milieu du magasin de porcelaine… Le parcours est
présenté et détaillé dans son ensemble avec les conseils liés à chaque type de
difficulté ou de terrain. C’est maintenant que la pression monte de mon
côté ! Je tourne la tête de tous les côtés pour trouver quelqu’un dans le
même état que moi mais les trailers sont détendus, plaisantent et sourient
alors que moi je commence à me faire des nœuds au cerveau ! Au rayon des
animaux nous avons des tiques annoncées, il va falloir faire un état des lieux
sérieux de la machine à la fin de la course ! Je m’imagine déjà me
contorsionnant sous la douche pour explorer tous les recoins de ma peau tout en
évitant de bouger trop de muscles pour limiter l’attaque des crampes !
Ensuite viennent les vaches à qui il n’est manifestement pas conseillé d’aller
gratouiller le museau si on ne veut pas avoir à accélérer subitement pour
éviter une charge… Nous serons donc tolérés sur leur passage mais faudra rester
discrets… Puis il est question de cordes (ou pas d’ailleurs !), d’échelle,
de passages « délicats », bref, moi qui ne suis ni courageuse, ni
téméraire ça me met direct en condition ! Inutile de préciser que le
numéro du médecin est enregistré aussitôt sur mon portable… Les organisateurs
soucieux de proposer aux coureurs les meilleures conditions de course possibles
annoncent déjà deux points d’eau supplémentaires en raison de fortes chaleurs.
Et parce que certains ont un besoin jamais assouvi de se dépasser et de pousser
les limites, on nous présente la version UTPMA 2015 : 160km à travers ce
Cantal qui n’en finit décidément pas de nous surprendre et de nous offrir un
terrain de jeu toujours plus grand, toujours plus beau… Moi je vais déjà tenter
le 105 et laisse le 160 aux plus chevronnés !
Samedi,
3h30, place du square Vermenouze, nous faisons activer nos puces, il fait déjà
chaud, les coureurs sont dans l’air de départ, on ressent l’impatience, l’envie
de commencer mais surtout la bonne humeur contagieuse (le 5-2 contre la Suisse
la veille y contribue également à en croire les conversations..). La folie
démarre ici : se lever un samedi matin avant le jour pour aller courir
105km… Pour mes amis c’est définitif, c’est incompréhensif et
inenvisageable !
Avant le départ il est demandé aux féminines
de se placer sur la ligne, les organisateurs nous chouchoutent, c’est gentil.
C’est sûr, on est peu nombreuses mais on ne vient pas sur un ultra pour se
mettre en avant. On vient pour l’aventure, le dépassement. Femme ou homme, le
défi est le même, les émotions sont aussi intenses et personnellement
j’apprécie le fait que tout le monde court ensemble quelque soit le sexe, la
catégorie et l’objectif.
Quatre
heures et quelques minutes, la place s’embrase, le départ est donné ! on
ne perd pas de temps : ça monte tout de suite ! Et je suis
rassurée : le rythme est tranquille, on trouve notre place dans le groupe,
on marche dès que la côte dure un peu. Le peloton s’étire mais bien moins vite
que ce à quoi je m’attendais. Je reste près de mon binôme, on est sur la même
cadence, le nœud à l’estomac se desserre. Les frontales matérialisent le
serpentin de coureurs qui s’allonge progressivement dans les bois. Le chemin
est étroit mais permet tout de même les dépassements, le sol est sec et la
température idéale, que demander de plus ? J’aime courir la nuit, nos sens
sont davantage en éveil, on perçoit les bruits différemment, il se dégage un
sentiment de sécurité, comme dans un cocon. Très vite des conversations
démarrent dans les petits groupes qui se créent. Dans le nôtre le sujet
concerne le marathon qui partira à 10h30. On s’inquiète pour ceux qui vont
courir au plus chaud de la journée. On parle du parcours et petit à petit les
kilomètres s’enchaînent. Je suis pourtant inquiète concernant les barrières
horaires. D’après les calculs, ça va passer à chaque fois mais on est dans le
théorique puisqu’on n’a jamais couru autant. Dans la pratique nos calculs se
révèleront faux malheureusement. Trop difficile de tenir une cadence de 5,5 km/h lorsque les
ascensions vont s’enchaîner.
Premier
ravitaillement à Velzic, un accueil chaleureux des bénévoles pour nous encourager,
ça fait du bien au mental. Le rythme est le bon, on est dans les rails pour
passer tranquillement les barrières suivantes, ça me rassure un peu mais ça
n’est que le début. Une soupe (bonne idée !), quelques grignotages (parce
que le petit-déjeuner léger pris à 2h est déjà loin !) et il faut
repartir. Gilles est contrarié : il a le sentiment de ne pas avoir de
« jus » et n’a pas de sensations. De mon côté difficile à dire, je
crois que je suis encore en train de me réveiller ! Le jour se lève petit
à petit et l’intensité des frontales peut être baissée. Les paysages se
découvrent, c’est magnifique ! On prend de la hauteur, tout est vert aux
alentours mais l’arrivée du soleil réchauffe aussi l’air ambiant. ça se sent
lorsqu’on respire : l’air est lourd et ne circule pas. On croise nos
premières vaches, tout se passe bien, mais je préfère ne pas m’attarder !
Arrivée à
Mandailles, on enlève les manches longues et on s’allège, il fait déjà chaud.
Je suis tellement préoccupée par les barrières horaires et les montées qui nous
attendent que je ne me rends même pas compte que derrière, les abandons ont
commencé… Les navettes misent en place seront bien remplies tout au long de la
journée pour ramener les coureurs contraints à l’abandon à Aurillac. Nous
croisons Christian Mahé à cause d’une petite erreur d’aiguillage ce qui nous
fait réaliser que lui a déjà avalé 25km de plus que nous ! Pour moi, c’est
juste incroyable ! Chapeau bas… Il boucle cette édition en 13h, un grand
bravo ! Pour nous l’aventure se poursuit et je suis à la peine : ça
grimpe beaucoup et le souffle est court. Gilles est plus à l’aise, je fixe ses
chaussures devant moi et me calle sur son rythme. Je pense juste à mettre un
pied devant l’autre et m’interdis de lever les yeux vers le sommet pour ne pas
me décourager. A chaque faux plat, en haut ou en bas de chaque difficulté, on
trouve des coureurs assis voire couchés qui tentent de reprendre des forces.
Quelques situations sont plus inquiétantes et le ballet de l’hélicoptère dans
le ciel témoigne d’une édition difficile. Mais c’est aussi la preuve, s’il en
fallait encore une, que les organisateurs utilisent tous les moyens à leur
disposition pour nous permettre d’évoluer en toute sécurité et pour pouvoir
intervenir en cas de défaillance ou d’accident. Toute cette logistique
m’impressionne.
Après
Chavaroche, nous attaquons le Puy Mary avec une pause nécessaire pour moi pour
retrouver des forces et détendre un peu les muscles. Je sens les crampes
proches et je trouve que c’est bien trop tôt encore pour les supporter jusqu’au
bout… Un point d’eau supplémentaire nous attend, une fois encore les
organisateurs ont été réactifs aux demandes et besoins des coureurs. Mon
débardeur de Bordeaux Athlé me vaut plusieurs remarques des promeneurs croisés
à moins que ce ne soit mon visage déjà bien marqué par la fatigue… « c’est
plus plat chez vous non ? », « Allez Bordeaux ! » et
une qui m’a faite sourire « vous êtes la première fille que je
vois ! ». Tous ces petits mots, ces petites phrases, ces
encouragements, ces sourires, aussi brefs soient-ils ont été un vrai moteur
tout au long du parcours.
Nous
redescendons prudemment le Puy Mary, je trouve que ça glisse, que les cailloux
roulent, les jambes sont fatiguées et les glissades non contrôlées de plus en
plus nombreuses. Nous rentrons ensuite dans une zone « sans bâtons ».
J’avoue que là pour moi ce fut très dur… Supprimer ces deux appuis supplémentaires
alors que les jambes ont enchaîné les difficultés sur cette partie c’est
rude ! Au sommet on nous annonce que nous sommes 260ème. J’ai
du mal à le croire, nous sommes pourtant très « limite » au niveau du
temps et pourtant il y aurait encore près de 200 coureurs derrière nous ? La
chaleur a terrassé beaucoup de monde apparemment. Dans la descente Gilles
m’explique que nous ne pourrons pas boucler dans les temps, on a pris trop de
retard. La déception s’installe, on vient juste de passer la moitié du parcours
et ce serait déjà la fin… On doit tout de même aller jusqu’à Mandailles alors
on poursuit mais le cœur n’y est déjà plus tout à fait. On ne relance plus dans
les descentes ou sur le plat, courir devient de toute façon trop douloureux et nous
allons aussi vite en marche rapide. Comme à plusieurs reprises sur le parcours,
nous croisons des membres de l’équipe « médicale » qui prennent de
nos nouvelles et s’assurent que tout va bien. Finalement, plus on se rapproche
et plus on réalise que la barrière est à notre portée. On n’accélère pas pour
autant, on n’en est plus capable. Nous arrivons au ravitaillement 1/2h avant la
barrière horaire.
A
ce moment, le plus dur nous attend : décider de la suite, abandon ou poursuite.
Nous allons nous ravitailler et nous poser pour prendre la décision sagement
sans précipitation. Pour moi à ce moment, le doute est trop fort pour trouver
la force de le dépasser et repartir. Je me sens capable d’aller jusqu’à la
suivante (20km encore et le Piquet à passer) mais vu mon état je sais que je
finirai totalement dans le rouge et n’aurai pas la force d’aller au bout si jamais nous parvenions à être dans
les temps ce qui paraît peu probable vu notre rythme sur la portion précédente.
Comme il est difficile et douloureux de devoir aller rendre son dossard alors que
l’on est « dans les temps » ! J’aurai acceptée d’être éliminée
bien plus facilement que de décider d’abandonner. Notre grand rêve de la saison
s’achève au 60ème km la mort dans l’âme. La raison l’a emporté. Il est
grisant de repousser et de dépasser ses limites mais il faut parfois aussi
admettre que c’est trop difficile et que la barre est encore un peu trop haute…
Cette
expérience n’est pas perdue pour autant et les belles courses ne manquent pas
pour trouver un nouveau défi à relever une fois la déception passée.
Je
retiendrai de cet UTPMA, la gentillesse et le désir de faire plaisir de toute
l’équipe qui œuvre sur l’épreuve (organisateurs, bénévoles, animateur,
spectateurs !...), la super organisation (balisage clair, ravitos bien
garnis et points d’eau rajoutés, sécurité et soins…) et surtout des paysages
grandioses ! La portion Mandailles/Mandailles fut vraiment éprouvante mais
quel régal pour les yeux ! Un grand ciel bleu, le Cantal et ses sommets à
perte de vue… juste grandiose.
Allez, 160 km ça serait trop
ambitieux pour l’an prochain mais d’une façon ou d’une autre il y a fort à
parier que je reviendrai goûter à cet UTPMA comme beaucoup de ceux qui y ont
goûté un jour !
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