jeudi 26 juin 2014

Retour sur l'Utpma par Cécile

Cécile nous a écrit un petit texte, mais non, un grand sur son aventure à Aurillac. Beaucoup se reconnaîtront dedans, cela donner peut-être envie à d'autres. Bonne lecture. 

L’UTPMA, ma première confrontation à l’ultra…

L’histoire commence lors du dernier UTMB où Gilles rencontre Sébastien, de l’équipe de l’UTPMA. Ce dernier, en vrai passionné, lui raconte « son trail », il est question de dénivelé positif, de  paysages superbes, de grande aventure humaine, de dépassement de soi… Et bien sûr, la magie opère et la contamination va suivre ! C’est décidé, Gilles et moi nous lançons le défi ambitieux mais tellement beau de participer à l’UTPMA le 21 juin 2014. Commence alors une folle saison de préparation pour pouvoir venir se « frotter » à une telle distance. N’ayant débuté la course qu’un an auparavant, le travail ne manquait pas pour moi mais tout le monde y a cru. Les copains du club étaient là pour pousser derrière, accompagner lors des entraînements et remotiver pour chasser les doutes. Les coachettes ont suivi les courses, proposé et adapté les plans d’entraînement. Cette course a finalement était préparée par toute une bande de coéquipiers qui m’ont généreusement offert leur soutien, leurs conseils, m’ont accompagnée, réconfortée et m’ont poussée à me dépasser alors rien que pour ça l’UTPMA a été une belle aventure avant même de débuter, parce que c’est ça aussi le trail : un échange, un partage…
            Le jour J-1 est enfin là. Je suis ravie, la météo est superbe : enfin  une course où je ne vais pas avoir à patauger dans cette boue qui ne nous a pas quittés de l’hiver ! Le ciel est bleu, le mercure est au plus haut… et d’un coup, je réalise que ça n’est peut-être pas une si bonne nouvelle… On part retirer nos dossards, et repérer un peu les lieux pour le départ.
Nous assistons ensuite au briefing, grande découverte pour moi qui suis plutôt habituée à un briefing 5mn avant le départ, détaillant la couleur des panneaux à suivre et les quelques consignes à respecter… Ici, on est assis et on écoute sagement la présentation et les directives. L’organisation connaît son sujet et je suis rassurée de me sentir « entre de bonnes mains ». Beaucoup se connaissent, l’ultra est une grande famille semble-t-il ; je me sens un peu perdue, l’éléphant au milieu du magasin de porcelaine… Le parcours est présenté et détaillé dans son ensemble avec les conseils liés à chaque type de difficulté ou de terrain. C’est maintenant que la pression monte de mon côté ! Je tourne la tête de tous les côtés pour trouver quelqu’un dans le même état que moi mais les trailers sont détendus, plaisantent et sourient alors que moi je commence à me faire des nœuds au cerveau ! Au rayon des animaux nous avons des tiques annoncées, il va falloir faire un état des lieux sérieux de la machine à la fin de la course ! Je m’imagine déjà me contorsionnant sous la douche pour explorer tous les recoins de ma peau tout en évitant de bouger trop de muscles pour limiter l’attaque des crampes ! Ensuite viennent les vaches à qui il n’est manifestement pas conseillé d’aller gratouiller le museau si on ne veut pas avoir à accélérer subitement pour éviter une charge… Nous serons donc tolérés sur leur passage mais faudra rester discrets… Puis il est question de cordes (ou pas d’ailleurs !), d’échelle, de passages « délicats », bref, moi qui ne suis ni courageuse, ni téméraire ça me met direct en condition ! Inutile de préciser que le numéro du médecin est enregistré aussitôt sur mon portable… Les organisateurs soucieux de proposer aux coureurs les meilleures conditions de course possibles annoncent déjà deux points d’eau supplémentaires en raison de fortes chaleurs. Et parce que certains ont un besoin jamais assouvi de se dépasser et de pousser les limites, on nous présente la version UTPMA 2015 : 160km à travers ce Cantal qui n’en finit décidément pas de nous surprendre et de nous offrir un terrain de jeu toujours plus grand, toujours plus beau… Moi je vais déjà tenter le 105 et laisse le 160 aux plus chevronnés !
            Samedi, 3h30, place du square Vermenouze, nous faisons activer nos puces, il fait déjà chaud, les coureurs sont dans l’air de départ, on ressent l’impatience, l’envie de commencer mais surtout la bonne humeur contagieuse (le 5-2 contre la Suisse la veille y contribue également à en croire les conversations..). La folie démarre ici : se lever un samedi matin avant le jour pour aller courir 105km… Pour mes amis c’est définitif, c’est incompréhensif et inenvisageable !
 Avant le départ il est demandé aux féminines de se placer sur la ligne, les organisateurs nous chouchoutent, c’est gentil. C’est sûr, on est peu nombreuses mais on ne vient pas sur un ultra pour se mettre en avant. On vient pour l’aventure, le dépassement. Femme ou homme, le défi est le même, les émotions sont aussi intenses et personnellement j’apprécie le fait que tout le monde court ensemble quelque soit le sexe, la catégorie et l’objectif.
            Quatre heures et quelques minutes, la place s’embrase, le départ est donné ! on ne perd pas de temps : ça monte tout de suite ! Et je suis rassurée : le rythme est tranquille, on trouve notre place dans le groupe, on marche dès que la côte dure un peu. Le peloton s’étire mais bien moins vite que ce à quoi je m’attendais. Je reste près de mon binôme, on est sur la même cadence, le nœud à l’estomac se desserre. Les frontales matérialisent le serpentin de coureurs qui s’allonge progressivement dans les bois. Le chemin est étroit mais permet tout de même les dépassements, le sol est sec et la température idéale, que demander de plus ? J’aime courir la nuit, nos sens sont davantage en éveil, on perçoit les bruits différemment, il se dégage un sentiment de sécurité, comme dans un cocon. Très vite des conversations démarrent dans les petits groupes qui se créent. Dans le nôtre le sujet concerne le marathon qui partira à 10h30. On s’inquiète pour ceux qui vont courir au plus chaud de la journée. On parle du parcours et petit à petit les kilomètres s’enchaînent. Je suis pourtant inquiète concernant les barrières horaires. D’après les calculs, ça va passer à chaque fois mais on est dans le théorique puisqu’on n’a jamais couru autant. Dans la pratique nos calculs se révèleront faux malheureusement. Trop difficile de tenir une cadence de 5,5 km/h lorsque les ascensions vont s’enchaîner.
Premier ravitaillement à Velzic, un accueil chaleureux des bénévoles pour nous encourager, ça fait du bien au mental. Le rythme est le bon, on est dans les rails pour passer tranquillement les barrières suivantes, ça me rassure un peu mais ça n’est que le début. Une soupe (bonne idée !), quelques grignotages (parce que le petit-déjeuner léger pris à 2h est déjà loin !) et il faut repartir. Gilles est contrarié : il a le sentiment de ne pas avoir de « jus » et n’a pas de sensations. De mon côté difficile à dire, je crois que je suis encore en train de me réveiller ! Le jour se lève petit à petit et l’intensité des frontales peut être baissée. Les paysages se découvrent, c’est magnifique ! On prend de la hauteur, tout est vert aux alentours mais l’arrivée du soleil réchauffe aussi l’air ambiant. ça se sent lorsqu’on respire : l’air est lourd et ne circule pas. On croise nos premières vaches, tout se passe bien, mais je préfère ne pas m’attarder !
Arrivée à Mandailles, on enlève les manches longues et on s’allège, il fait déjà chaud. Je suis tellement préoccupée par les barrières horaires et les montées qui nous attendent que je ne me rends même pas compte que derrière, les abandons ont commencé… Les navettes misent en place seront bien remplies tout au long de la journée pour ramener les coureurs contraints à l’abandon à Aurillac. Nous croisons Christian Mahé à cause d’une petite erreur d’aiguillage ce qui nous fait réaliser que lui a déjà avalé 25km de plus que nous ! Pour moi, c’est juste incroyable ! Chapeau bas… Il boucle cette édition en 13h, un grand bravo ! Pour nous l’aventure se poursuit et je suis à la peine : ça grimpe beaucoup et le souffle est court. Gilles est plus à l’aise, je fixe ses chaussures devant moi et me calle sur son rythme. Je pense juste à mettre un pied devant l’autre et m’interdis de lever les yeux vers le sommet pour ne pas me décourager. A chaque faux plat, en haut ou en bas de chaque difficulté, on trouve des coureurs assis voire couchés qui tentent de reprendre des forces. Quelques situations sont plus inquiétantes et le ballet de l’hélicoptère dans le ciel témoigne d’une édition difficile. Mais c’est aussi la preuve, s’il en fallait encore une, que les organisateurs utilisent tous les moyens à leur disposition pour nous permettre d’évoluer en toute sécurité et pour pouvoir intervenir en cas de défaillance ou d’accident. Toute cette logistique m’impressionne.
            Après Chavaroche, nous attaquons le Puy Mary avec une pause nécessaire pour moi pour retrouver des forces et détendre un peu les muscles. Je sens les crampes proches et je trouve que c’est bien trop tôt encore pour les supporter jusqu’au bout… Un point d’eau supplémentaire nous attend, une fois encore les organisateurs ont été réactifs aux demandes et besoins des coureurs. Mon débardeur de Bordeaux Athlé me vaut plusieurs remarques des promeneurs croisés à moins que ce ne soit mon visage déjà bien marqué par la fatigue… « c’est plus plat chez vous non ? », « Allez Bordeaux ! » et une qui m’a faite sourire « vous êtes la première fille que je vois ! ». Tous ces petits mots, ces petites phrases, ces encouragements, ces sourires, aussi brefs soient-ils ont été un vrai moteur tout au long du parcours.
            Nous redescendons prudemment le Puy Mary, je trouve que ça glisse, que les cailloux roulent, les jambes sont fatiguées et les glissades non contrôlées de plus en plus nombreuses. Nous rentrons ensuite dans une zone « sans bâtons ». J’avoue que là pour moi ce fut très dur… Supprimer ces deux appuis supplémentaires alors que les jambes ont enchaîné les difficultés sur cette partie c’est rude ! Au sommet on nous annonce que nous sommes 260ème. J’ai du mal à le croire, nous sommes pourtant très « limite » au niveau du temps et pourtant il y aurait encore près de 200 coureurs derrière nous ? La chaleur a terrassé beaucoup de monde apparemment. Dans la descente Gilles m’explique que nous ne pourrons pas boucler dans les temps, on a pris trop de retard. La déception s’installe, on vient juste de passer la moitié du parcours et ce serait déjà la fin… On doit tout de même aller jusqu’à Mandailles alors on poursuit mais le cœur n’y est déjà plus tout à fait. On ne relance plus dans les descentes ou sur le plat, courir devient de toute façon trop douloureux et nous allons aussi vite en marche rapide. Comme à plusieurs reprises sur le parcours, nous croisons des membres de l’équipe « médicale » qui prennent de nos nouvelles et s’assurent que tout va bien. Finalement, plus on se rapproche et plus on réalise que la barrière est à notre portée. On n’accélère pas pour autant, on n’en est plus capable. Nous arrivons au ravitaillement 1/2h avant la barrière horaire.
            A ce moment, le plus dur nous attend : décider de la suite, abandon ou poursuite. Nous allons nous ravitailler et nous poser pour prendre la décision sagement sans précipitation. Pour moi à ce moment, le doute est trop fort pour trouver la force de le dépasser et repartir. Je me sens capable d’aller jusqu’à la suivante (20km encore et le Piquet à passer) mais vu mon état je sais que je finirai totalement dans le rouge et n’aurai pas la force d’aller au  bout si jamais nous parvenions à être dans les temps ce qui paraît peu probable vu notre rythme sur la portion précédente. Comme il est difficile et douloureux de devoir aller rendre son dossard alors que l’on est « dans les temps » ! J’aurai acceptée d’être éliminée bien plus facilement que de décider d’abandonner. Notre grand rêve de la saison s’achève au 60ème km la mort dans l’âme. La raison l’a emporté. Il est grisant de repousser et de dépasser ses limites mais il faut parfois aussi admettre que c’est trop difficile et que la barre est encore un peu trop haute…
            Cette expérience n’est pas perdue pour autant et les belles courses ne manquent pas pour trouver un nouveau défi à relever une fois la déception passée.
            Je retiendrai de cet UTPMA, la gentillesse et le désir de faire plaisir de toute l’équipe qui œuvre sur l’épreuve (organisateurs, bénévoles, animateur, spectateurs !...), la super organisation (balisage clair, ravitos bien garnis et points d’eau rajoutés, sécurité et soins…) et surtout des paysages grandioses ! La portion Mandailles/Mandailles fut vraiment éprouvante mais quel régal pour les yeux ! Un grand ciel bleu, le Cantal et ses sommets à perte de vue… juste grandiose.
Allez, 160 km ça serait trop ambitieux pour l’an prochain mais d’une façon ou d’une autre il y a fort à parier que je reviendrai goûter à cet UTPMA comme beaucoup de ceux qui y ont goûté un jour !

            

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